Après plusieurs mois de préparation et d'attente, nous avons, enfin, posé le pied sur le sol corse.
Dès que nous parlions de cette île, les qualificatifs les plus prometteurs fusaient de toutes parts.
Il fallait donc en avoir le cœur net et envisager de parcourir un de ses chemins à pied pour être au plus près de l'âme corse.
Le GR20 nous semblait au dessus de nos capacités, alors nous avons opté pour le Tra Mare e Monti.
Celui-ci a l'avantage d'allier coté mer (bretons obligent) et coté montagne.

Cette petite aventure avait aussi pour objectif :
- de rejoindre Calenzana, point de départ de la rando, par les transports collectifs (pour pallier au surcoût du carburant, à la durée et fatigue du transport) : avion de Rennes à Ajaccio, puis train pour Calvi avec halte à Corte, et bus de Calvi à Calenzana. Pour le retour, bus et avion.
- de partir à deux sur une durée de marche de dix jours,
- d'alléger nos sacs à dos pour accéder à un confort de marche et préserver notre capital vertébral : pour Martine qui avait choisi un sac de 30 litres, le poids total s'est stabilisé à 9 kilos, pour moi avec un nouveau sac Deuter de 42 litres, avec appareil photo, GPS, le poids n'a pas excédé 11 kilos.

train
Sur le quai de la gare 
 

Première étape : Calenzana-Bonifatu
Durée : 5h00 de marche Dénivelé : +800 -400 Longueur : 14,5km
Météo : Soleil

Nous sommes arrivés, la veille au soir, au gîte communal de Calenzana, départ conjoint du GR20 et du Tra Mare e Monti, en même temps qu'un couple de Nantais. La maison de la montagne nous a renseignés sur les conditions climatiques que nous allions rencontrer au cours de notre périple.
Ainsi nous apprenons que le GR20 est fermé, pour cause de neige, aux étapes 3 et 4.
Départ vers 7h30 du gîte, mais nous prenons le temps de flâner dans le bourg de Calenzana pour compléter notre ravitaillement (saucisson, tomme de brebis, gâteaux secs et pain) et pour prendre notre petit déjeuner à la terrasse d'un café.
Le sentier débute par une bonne grimpette. Nous atteignons un magnifique point de vue sur la baie de Calvi et les villages alentours. Avec la fonte des neiges et les pluies abondantes, les torrents sont en crue. Les passages de gué sont folkloriques. Glissades, dérapages, redressements nous valent d'avoir les chaussures et chaussettes trempées. Lors d'une envolée, suivie d'une réception hasardeuse sur une plaque de boue, Martine qui admirait mon style, se retrouve couverte de pustules fangeuses. Premier jour, première lessive.


gue

La descente, par un chemin forestier jusqu'à la rivière de Figurella, est une promenade de santé. Peu après le pont, deux jeunes québécois nous annoncent l'arrivée au gîte dans les dix minutes. Il est donc temps de faire la pause au bord du torrent en profitant des rayons ardents du soleil. L'eau est glaciale. Au bout de quelques minutes les pieds sont pris dans un étau de froid. Nous déballons nos provisions afin de savourer les produits locaux.

Une fois à l'auberge, nous occupons notre après-midi à écouter les conversations de terrasse et notamment celles d'un groupe de belges, parti sur le GR20 et qui a dû se rabattre sur le mare e monti pour les raisons évoquées ci-dessus. Une discussion de deux heures s'engage ainsi sur les différentes options que suscite ce genre de contretemps et le tout avec l'accent belge teinté de bière.
Vient le repas du soir et là, déception! cela ressemble à la cantine scolaire. Cà sent un peu l'arnaque.

Deuxième étape : Bonifatu-Tuarelli
Durée : 6h30 de marche Dénivelé : +1000 -1500 Longueur : 21.5km
Météo : Chaude et lourde

C'est une bonne grimpette qui nous attend durant les deux premières heures de la matinée. Nous traversons une magnifique forêt de pins maritimes, puis de pins Laricio à l'écorce claire et lisse. Nous délaissons rapidement nos polaires. A l'arrivée au col, la baie de Calvi apparaît dans toute sa splendeur. Nous en profitons pour souffler un peu avant de poursuivre sur la crête. Soudain, j'aperçois un animal, à la robe caramel à poil ras, qui à notre approche se réfugie derrière les rochers. Seules ces deux petites oreilles et ses yeux nous observent de son promontoire. Il pourrait bien s'agir d'un mouflon. Au col de Bocca di Bonassa, nous entamons la descente vers Tuarelli.
La pente est assez douce et nous profitons de la fraîcheur d'un torrent pour sortir le pique-nique. Nous croisons un jeune corse en ballade et chasseur à ses temps libres. Nous entamons la conversation sur la diversité de la nature corse. Nous en profitons pour aborder les noms des différentes plantes dont les cistes qui poussent à profusion.
Au col de Bocca di Luca, situé à 551 mètres, notre chasseur nous rejoint. Il nous confirme la description du mouflon, mais s'étonne de sa présence aussi bas dans la montagne. Les récentes chutes de neige et la pluviométrie importante les ont peut-être incités à redescendre. Il nous donne également de bons tuyaux pour découvrir les tortues aquatiques dites tortues cistudes.
Au moment de repartir, nous apercevons notre groupe belge sur le sentier. Ils nous rejoignent et discutent de leur stratégie pour les jours à venir, reconnaissant s'être donné en spectacle la veille pour la grande honte de la Belgique. Nous descendons ensemble jusqu'au gîte, pour  partager une bière avant qu'ils continuent leur pérégrination jusqu'au gîte suivant. Puis Serge et Renée nous rejoignent. Le gîte, tout en pierres, est aménagé au bord du fleuve Fango. Les terrasses, aux arches de pierre, surplombent les magnifiques piscines naturelles façonnées par la force de l'eau.

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Les trois compères

 

 

 

 

 

 

 

 

Le repas est animé, le soi-disant patron, Hugo, nous raconte la genèse des lieux, ses voyages en Amérique latine, ses accointances avec Fidel en personne. Mytho, Hugo ? en tous cas la ferrari garée devant le gîte montre la bizarrerie du personnage. Sous fond de musique cubaine, il fait ronronner le moteur du bolide et propose à chacun de s'installer au volant tandis que son fidèle aide de camp lui amène un énorme havane.
Nous terminons cette soirée surréaliste par une petite ballade dans le village de Tuarelli, histoire de retrouver un peu de sérénité.
Lorsque nous rejoignons notre dortoir, un couple d'autrichiens s'y est installé pour le plus grand malheur de Renée, pour qui les odeurs sont mal ressenties ou trop bien. 

Troisième étape : Tuarelli-Galiéra
Durée 5h00 de marche Dénivelé : +350 -400 Longueur : 14 km
Météo : Chaude et ensoleillée

Petit café, petites tartines ratatinées, petite portion de confiture, pas de quoi satisfaire un randonneur pour attaquer une grosse journée de marche. Heureusement, nous partons pour quatorze kilomètres avec très peu de dénivelé, en compagnie de Serge et Renée. Nous longeons les rives du fleuve Fango, où alternent cascades, goulets, vasques et plan d'eau. Les roches, sous le soleil rasant de cette matinale, font miroiter une palette surprenante de couleurs. Puis nous quittons le cours d'eau pour une petite portion de bitume avant de pénétrer dans des bois ténébreux. Des arbustes aux bois tors, dégarnis de la base, nous laissent un passage voûté à hauteur d'homme. Puis nous retrouvons la clarté lumineuse du maquis, la fraîcheur d'un ruisselet où tremper nos pieds pendant que nous dévorons saucisson et fromage locaux.
Puis la baie de Galéria apparaît en contrebas. Le village est étalé le long d'une grande plage de galets. Nous nous séparons pour retrouver notre logement respectif. Tandis que les Nantais ont opté pour le gîte d'étape, nous nous installons à quelques pas de la plage, dans une chambre d'hôtes avec sanitaires et télévision.
La plage nous tend les bras, nous y descendons et restons lézarder sur les galets tiédis par les rayons du soleil. Martine trépigne de ne pas avoir pris son maillot de bain pour allonger quelques brasses dans cette eau si transparente. Illico, elle retourne à la chambre et reviens pour se jeter dans la grande bleue.
Pour clôturer cette journée récréative,  nous nous offrons un petit resto de poissons. Elle est pas belle la vie! 

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Le fleuve Fango 
 

Quatrième étape : Galéria-Girolata
Durée : 6h30 de marche Dénivelé : +900 -900 Longueur : 16 km
Météo : Ensoleillé 

Après un copieux petit déjeuner, nous  ravitaillons pour deux midis consécutifs car les topos mentionnent l'absence de ravitaillement à Girolata. D'entrée, nous attaquons  un dénivelé positif de 780 mètres avec une partie assez "technique" lors des traversées de gué. En effet, nous longeons un ruisseau que nous devons traverser maintes et maintes fois au grand dam de Martine, qui s'attend systématiquement à poser le pied à côté de la bonne pierre.
Autour du lac de retenue, nous observons les tortues cistudes (Emys Orbicularis) qui plongent à notre approche. Mais l'eau est tellement claire que nous les voyons évoluer sous l'eau.
La montée dans la forêt est raide, le pourcentage impressionnant. Malgré le couvert des chênes verts et des arbousiers, nous éliminons nos toxines en suant à grosses gouttes. A mi-parcours, nous rejoignons, deux  savoyardes qui pausent à l'ombre. Puis, sur un promontoire qui domine la baie de Galéria, nous retrouvons Serge et Renée avec lesquels nous pique-niquerons au sommet, sous un magnifique olivier.
Puis vient la descente vers Girolata, les jambes sont lourdes, mal assurées mais le but se découvre. La tour génoise, site emblématique du petit hâvre hypertouristique, apparaît au détour du chemin.
Nous nous installons au gîte d'étape du Cormoran voyageur, où Joseph, le propriétaire du lieu est un personnage médiatique, dans le sens dévoyé du terme.

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Sur les crêtes

Cette étape nous a donné une forte envie de délasser nos muscles dans l'eau salée. Mais le port de Girolata n'est pas si accueillant que cela. Au bord, l'eau est glauque, puis la plage recèle des trésors insoupçonnés pour un parc naturel régional (boulettes de mazout) dont Martine se beurre copieusement la plante des pieds.
Puis un va et vient incessant de vedettes débarque son flot de passagers. Ils ont juste le temps de s'installer au bar d'en face avant de réembarquer illico. Nous invitons nos Nantais à déguster une pietra ambrée à la châtaigne tandis que Joseph le pêcheur nous fait son entrée théâtrale.
De l'héliport (aire de battage en pierres) au sentier du facteur (sentier douanier), il nous refait le monde et dénonce la bêtise des ignorants. Le discours est rôdé pour les gens de passage qui ne le reverront sans doute pas de sitôt.
Par contre, le dîner est à la hauteur : soupe de poissons, sar et barracuda grillés, fromage de brebis corsé et crème à la châtaigne. 

 

 

 


Cinquième étape : Girolata-Curzu par les crêtes
Durée  : 6h00 de marche Dénivelé : +1100 -850 Longueur : 16,5 km
Météo :Chaud et brumeux

Nous sommes les premiers à nous installer à la terrasse pour prendre notre petit déjeuner, face au port. Nous dégustons les trop bonnes confitures maison (arbouse, citron) préparées par Colette, la compagne de Joseph, lottoise d'origine.
Nous quittons Girolata sous une température clémente. Nous avons choisi de rejoindre Curzu, par le chemin des crêtes. Lors de la montée, des bruits étranges sortent des fourrés. Nous craignons de voir débouler une horde de sangliers. La pente devient ardue, le soleil a fait son apparition et nous compensons la sudation par une consommation importante d'eau. Colette nous a signalé l'existence d'une source sur les crêtes des Salines où nous pourrons refaire le plein des poches à eau.
Sur les crêtes, la vue sur les deux versants est splendide. Nous arrivons à la fontaine. Martine fait ses ablutions avant de passer à table pour le menu de base : saucisson, fromage, fruit. Nous voyons arrivés un jeune couple aussi exténué que nous. Il profite de l'eau jaillissante et du replat à l'ombre pour pique-niquer.

Arrivés sur la crête, nous pensions nous offrir une bonne dose de plat. Que nenni ! Ce sont de véritables montagnes russes qui nous attendent. Le village de Curzu se fait attendre et il n'apparaît qu'au dernier moment. Le gîte est situé en bord de route. Nous attendons patiemment la fin du ménage pour nous installer dans une chambre de deux. Puis attablés à la terrasse du gîte, nous faisons plus ample connaissance avec Anne et Sophie, nos deux infirmières savoyardes rencontrées la veille entre Galéria et Girolata. Elles ont choisi, pour rejoindre le gîte, la variante par le sentier côtier, la plage et la montée finale vers le village. En Corse, la nuit tombe relativement tôt et chacun se retrouve dans sa chambre pour récupérer de cette journée harassante.

Sixième étape : Curzu-Serriera
Durée : 3h30 de marche  Dénivelé : +400 – 700  Longueur : 12 km
Météo : Nuageux et tiède

Dès six heures du matin, les québécoises de la chambre voisine font un ramdam d'enfer. Nous sommes étonnés d'un tel manque de civilités de la part de nos cousines d'Amérique.
Nous nous retrouvons tous attablés,  à 7h30, devant un grand bol de thé ou de café fumant. Nous quittons les dames de Haute Savoie qui rejoignent Galéria tandis que nous poursuivons notre périple avec les Nantais.
Nous bifurquons vers le village de Partinello pour faire le plein de victuailles. L'alimentation générale se trouve, évidemment, en bas du village, après une série de virages en lacets. Mais le principal n'est-il pas de pouvoir faire abondance de victuailles pour le repas de ce midi ? Nous repartons le cœur léger, mais le sac un peu plus lourd de nos commissions. Nous arrivons dans le village de Serriera en début d'après-midi. Le gîte est ouvert, mais notre nom ne figure pas sur la liste des chambres attribuées. Nous retournons vers le bar du village et rencontrons la responsable qui ne comprend pas cette omission. Elle nous alloue, néanmoins, une autre chambre que nous nous empressons d'occuper dans cet ancien moulin à huile magnifiquement reconverti. Nous avons une envie expresse de descendre à la plage, située à trois kilomètres du bourg par la route. Renée, trop fatiguée, reste se reposer au gîte. Deux paillotes occupent l'entrée de la plage. A cette saison, l'eau reste glaciale. Il n'y a que Martine pour la trouver délicieuse. Après une tentative désespérée jusqu'à mi-cuisse, je renonce et je profite de la tiédeur des galets pour m'abandonner à une récupération passive.
Au retour, nous tombons sur un couple de couleuvres, entortillées, en pleine parade nuptiale. Sur le bas côté de la route, elles nous livrent une danse orientale jusqu'au moment où une automobile les effraie. Elles se réfugient dans le fossé, parmi la végétation luxuriante.

serpentCouleuvres enlacées

 
Nous récupérons Renée, puis filons au bar déguster une bonne bière corse.
Quelle est l'occupation d'un corse en dehors de la saison touristique ? Pour les hommes de Serriera, c'est la chasse aux sangliers, qui se pratique plusieurs jours par semaine.
Par petites bribes, nous apprenons à mots couverts, la mentalité corse.
Durant le repas du soir, qui se déroule dans l'ancienne salle où l'on pressait les olives, la discussion porte sur la signification du drapeau corse et sa tête de maure. Les esprits, déjà bien échauffés, nous incitent à ne pas insister sur certains points de l'histoire corse. Nous partageons notre chambre avec deux jeunes allemands, qui semblent apprécier, sans modération, le pastaga.

Journée de repos à Serriera

Afin de pouvoir visiter Porto, les calanques de Piana et la réserve de Scandola, nous avons opté pour une pause d'une journée à Serriera.
Dès le matin, nous partons à pied en direction de Porto dans l'espoir de se faire prendre en stop car la météo n'est pas engageante. Après les pluies de la nuit, le temps reste très menaçant. A mi chemin, une voiture consent, enfin, à s'arrêter. Seule une bretonne pouvait avoir la gentillesse de nous monter à bord. L'omertà étant de mise, nous n'en dirons pas plus, mais nous apprenons que pour un corse prendre quelqu'un en stop ou l'héberger va forcément nuire au commerce local et à son propre intérêt. Nous sommes au port de Porto où s'alignent les boutiques de souvenirs et les hôtel-restaurants. Nous en profitons pour écrire les cartes postales car les bateaux sont bloqués au port en attendant un répit de la météo. Après une bonne collation, nous apprenons que le départ est imminent. Nous grimpons dans la vedette, bientôt suivis par tout un groupe. Puis au cours du trajet, la pluie se met à tomber abondamment. Tout le monde se retrouve, tassé sous l'abri, au centre du bateau. Selon les dires du bosco et du copilote, nous avons hérité du meilleur capitaine de Porto, celui qui ose pénétrer au plus profond des grottes marines.

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Au ras de la roche

C'est vrai que la coque et les passavants frôlent les parois des côtes rocheuses en passant sous les arches de pierre. La côte est admirable, l'eau d'une clarté spectaculaire.
Après avoir longé les calanques de Piana, nous retournons sur Porto, débarquer le groupe et repartir vers la réserve de Scandola. Les grains se succèdent, la pluie est parfois si forte que la visibilité tombe à quelques mètres. A bord  nous retrouvons une des québécoises hébergées à Serriera. Nous aurons ainsi l'explication du réveil matinal car en temps que "Time Keeper" ou gardienne du temps, elle avait omis de changer sa montre d'heure.
Le bateau navigue au plus près des falaises qui plongent dans l'eau cristalline. Les pluies ont gonflé les cascades qui s'écoulent le long des parois rocheuses. La couleur rosée de la pierre contraste avec le bleu profond  et le vert turquoise de la mer. Nous poursuivons notre périple maritime jusqu'à Girolata pour une escale minutée d'une demi-heure. Nous en profitons pour aller boire un verre au Cormoran Voyageur. Nous sommes chaleureusement accueillis par Joseph et Colette. Sous une pluie diluvienne, le bateau rejoint Porto.  Après avoir fait le plein de provisions, nous tentons le retour en tendant le pouce, mais toujours sans succès. Puis la pluie se met à tomber, trempés, à marche forcée et résignés, nous rejoignons le gîte. Martine glisse dans ses chaussures imbibées d'eau et s'abandonne à marcher pieds nus sur l'asphalte.
Lorsque nous pénétrons dans notre chambre, un désordre indescriptible y règne. Les jeunes allemands ont pris leurs aises, et nous repoussons leurs affaires pour accéder à nos couchettes.

Septième étape : Serriera-Ota
Durée : 6h30 de marche  Dénivelé : +900 – 600  Longueur : 14 km
Météo : Beau temps

Au petit déjeuner, nous rencontrons un couple de suisses et un groupe de cinq personnes venant de régions différentes (Normandie, Cantal, Charente). Nous poursuivrons notre aventure en leur compagnie.
Le soleil rayonne, nous entamons cette étape par une bonne piste forestière. A deux kilomètres du gîte, l'oncle de la responsable du gîte élève des sangliers. Comme chaque matin, il vient apporter à ces cochons sauvages un complément de nourriture sous forme de maïs ou de pain sec. Il nous invite à l'accompagner dans l'enclos où nous découvrons les marcassins, venant dévorer prestement leur ration avant de retourner dans le maquis.
Après cet intermède animalier, nous attaquons une pente assez raide qui nous mène jusqu'au col de Bocca San Petru à 900 mètres d'altitude.

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Prendre de la hauteur en toutes choses

A mi pente, la vue dégagée sur le village de Serriera et le golfe de Porto est panoramique.
La deuxième partie de la grimpette est éprouvante pour le souffle et les muscles. Puis nous traversons une forêt d'altitude où quelques châtaigniers font leur apparition.
Dans la descente, les pierres sont couvertes d'humidité et malgré la méfiance dont nous faisons preuve pour éviter la glissade, je m'étale de tout mon long, le sac amortissant ma chute. J'ai la hanche et le creux des mains légèrement tuméfiés. Nous devenons encore plus méfiants lors de la traversée des différents torrents, grossis par les pluies de la nuit dernière, ce qui ne m'empêche pas d'y mettre le pied droit. Il y a des jours où la chance ne vous sourit pas.
Le village d'Ota apparaît dans le dernier virage. Il est construit sur la pente de la montagne. Nous avions réservé chez Félix en dortoir. Nous avons envie d'intimité et nous optons pour la chambre. En fait de chambre, on nous offre une suite : petit appartement pour six personnes avec cuisine et salle de bains. Nous en profitons pour faire notre lessive, pour nous étaler dans toutes les pièces en vidant les sacs à dos. En attendant l'heure du repas, nous déambulons dans le village, repérons la petite épicerie tenue par un couple de personnes âgées. Nous faisons quelques emplettes dont une petite bouteille de vin de myrte, fabriquée maison pour l'apéro de ce soir.
Au restaurant, nous sommes installés auprès d'un couple de rennais que nous avions rencontré à l'aéroport de Marseille. Il visite l'île de beauté en voiture de location.

Huitième étape : Ota-Marignana
Durée : 5h00  Dénivelé : +700 -300  Longueur : 14km
Météo : Ensoleillé

Nous profitons de notre luxueux hébergement pour prolonger notre grasse matinée. Nous sommes ainsi les derniers à prendre notre petit-déjeuner. A l'épicerie, nous ravitaillons : saucisson, fromage, avant de nous diriger vers les gorges de la Spilonga.
Nous franchissons un merveilleux pont génois sous lequel coule un torrent aux eaux translucides. Le chemin, construit par les liguriens, présente la particularité d'avoir des marches construites à la longueur du pas de l'âne. Alors nous nous adaptons, âne bâté puis âne savant en parcourant les panneaux d'interprétation naturaliste, disposés tout au long du parcours. Le sentier grimpe le long des gorges, permettant de prendre de l'altitude et d'admirer le torrent en contrebas. Le chemin débouche à l'entrée du village d'Evisa. Nous nous installons, sur un banc public, à l'ombre d'un châtaignier pour sortir nos victuailles. Comme l'étape ne présente pas de difficultés majeures, nous prenons le temps d'un petit café à la terrasse. Devant la carte des desserts laissée négligemment sur la table, nous craquons pour un parfait à la châtaigne. Après ce savoureux intermède, nous reprenons notre route à travers une magnifique châtaigneraie. Plus nous nous éloignons du village, plus la végétation est laissée à son sort. Nous découvrons des châtaigniers hors d'âge, au tronc creusé, pouvant abriter plusieurs randonneurs en cas de fortes pluies. Les hommes ont aussi déserté les hameaux les plus reculés. Nous rôdons dans l'un deux où seule la chapelle est maintenue en état. Les grosses bâtisses de pierre ont perdu une partie de leur toiture, mais les murs restent debout, gardiens d'un temps révolu où des familles vivaient d'une agriculture de subsistance. Le gîte d'étape se situe à l'entrée du village, près du cimetière. Le village de Marignana ne dispose d'aucun commerce. Au gîte, nous prenons un pot avec deux autres couples, des nîmois et des suisses du canton du Valais.


pontvillage

Devant leurs pérégrinations passées (Népal, Dolomites, Alpes), nous nous sentons de petits randonneurs mais néanmoins d'en la même attente de ce plaisir de la découverte, des rencontres, de l'effort.
Nous nous retrouvons tous les six à table devant une soupe corse insipide, pleine de nouilles.  On sature de la soupe soi-disant corse. Le commerce a totalement remplacé l'accueil des randonneurs dans le sens noble du terme.

Neuvième étape : Marignana-E Case Revinda

Durée : 6h30  Dénivelé : +700 -700  Longueur : 19km
Météo : Beau et chaud

C'est avec soulagement que nous quittons Marignana.  Nous commençons à grimper vers les châtaigneraies. Puis, les arbres font place à la roche nue. Seuls les cistes, la lavande et les lys bordent le sentier. C'est un ravissement pour les yeux et les narines. Nous marchons à découvert. Tous les sommets corses se détachent en arrière plan. Certains sont encore couverts de neige. Nous atteignons le col, suivis par les Suisses qui ont vu débouler devant eux une horde d'une quinzaine de sangliers. La descente commence sur un replat herbeux. Nous en profitons pour poser les sacs et sortir les couverts.
La descente, en lacets, suit un torrent. Lors d'une traversée de gué, en amont, le torrent se jette dans une sorte de petite baignoire. Nous nous déchaussons et  le remontons de quelques mètres pour trouver de magnifiques pierres plates où poser nos affaires. Martine en profite pour se détendre dans ce bassin naturel alimenté en eau courante qui lui masse la nuque. Je m'approche pour la goûter du bout des pieds. La paroi est vicieuse et je me retrouve, d'un seul coup, la moitié du corps dans le jus. Nous restons là, tels des lézards, à nous prélasser en attendant que mes vêtements sèchent. Sous le couvert des arbres, nous rejoignons le refuge où flotte le drapeau basque. Nous retrouvons les Nîmois et les Suisses. Le refuge est la seule bâtisse, en pierres, rescapée d'un ancien hameau d'agriculteurs. Elle a survécu grâce à sa transformation en gîte d'étape. Elle domine toute la baie de Cargèse.
Le gardien arrive du village de Revinda en quad. Sa dégaine, tee-shirt, pantalon de treillis nous fait craindre le pire. Sa convivialité nous ravit et nous savourons un moment de bonheur dans cet endroit coupé du monde. Puis le groupe hétéroclite finit par nous rejoindre. C'est dans une ambiance décontractée que nous dégustons sous la tonnelle, une bonne bière corse.
Nous retrouvons dans cet endroit assez rustique une convivialité que les gîtes d'étape n'avaient pu nous apporter.


 

Dixième étape : E Case Revinda-Cargèse
Durée : 5h00  Dénivelé : +500 -1000  Longueur : 12km
Météo : Brume

Nous nous réveillons sous une brume qui isole notre refuge du monde extérieur. Dommage, monsieur l'apiculteur, de ne pas proposer au petit déjeuner votre miel de maquis au lieu de ces insipides barquettes de confiture. Nous repartirons néanmoins avec un pot de votre production mais ce sont de petites intentions qui font tout la différence. N'ayez crainte, nous quittons ce havre de paix, comblés de votre accueil.
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Nous hésitons  sur le départ du sentier avant qu'une voix forte nous remette dans le bon chemin.
Nous croiserons des chèvres en errance. Puis nous descendrons progressivement vers la mer. Nous ressentons une certaine hâte d'arriver à Cargèse alors que la lassitude ne s'est pas installée. Pas de courbatures, pas de blessures pour entraver notre marche, sans doute le syndrome de la dernière étape et du devoir accompli. Nous ne prenons même pas le temps de pique-niquer avant Cargèse.
Nous retrouvons Serge et Renée qui sont arrivés la veille. Nous profiterons de notre après-midi pour une bonne partie de farniente sur la plage, puis pour une visite de Cargèse, ses églises, son port.
Pour clore ce parcours de dix étapes, nous finissons notre soirée, attablés tous les quatre, à la terrasse du restaurant, en admiration devant le superbe coucher de soleil sur la baie.

soleil
Ce n'est qu'un au revoir !