Samedi 13 août 2016
En route, plein sud, pour rejoindre les Hautes-Pyrénées. Cette année nous délaissons les Alpes pour retrouver la chaîne montagneuse franco-espagnole. Nous avons établi, avec un couple d’amis, un programme de six jours de randonnée autour du plus haut sommet des Pyrénées françaises le Vignemale, avec ses 3298m. A cheval sur la frontière, nous allons donc marcher en Bigorre sur une partie du GR10, et en Aragon sur le GR 11.
Avant de rejoindre le Pont d’Espagne dimanche matin, où nous laisserons nos véhicules sur le parking payant pour la modique somme de 8 euros, nous avons réservé une nuitée au gîte d’étape Beau soleil à Cauterets. Nous sommes étonnés par l’attrait touristique de cette station thermale. Le monde grouille dans les rues commerçantes, les terrasses de café sont bondées et les parkings saturés.
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Au dessus du lac de Gaube                                                                Vers la hourquette d'Ossoue

Dimanche 14 août 2016 : Pont d’Espagne – Baysselance
Distance 12,6 km ; dénivelé +1303 -142 ; temps 5h

A 8h15, avant l’arrivée des navettes et de la forte affluence, nous démarrons notre périple. Le chemin monte progressivement dans les pins. Au bout d’une heure, le lac de Gaube apparaît. Depuis peu, je ressens des gouttes d’eau me rafraîchir les mollets. Or le soleil est radieux, la cause n’est donc pas météorologique. Au toucher du fond de mon sac, je pressens une fuite de ma poche à eau. Le problème est là. Une soudure a lâché et mon précieux liquide s’épand dans le compartiment dédié à ma réserve d’eau. Je dois la sacrifier, en buvant un bon coup et en jetant le reste, puis me résoudre à partager celle de ma compagne. Le dénivelé se fait plus présent. Au refuge des Oulettes de Gaube, nous en profitons pour refaire le plein d’eau. Un lambeau de glacier s’incruste au pied du massif, mais pour combien de temps ? Tout le monde fait une pause au bord de la zone humide qui sépare le refuge du massif pour admirer la beauté mythique de cet amphithéâtre.

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Sous le refuge de Baysselance                                                           Vers Gavarnie

Le GR grimpe en lacets pour aboutir au pied de la langue glaciaire et bifurque pour prendre la direction de la hourquette d’Ossoue. Nous avons un panorama extraordinaire sur la vallée du Pont d’Espagne. Nous passons à proximité des Lacs d’Araillé. La montée est soutenue, un pierrier nous barre le tracé avant l’arrivée au col. Nous apercevons en contrebas le refuge de Baysselance. Sa toiture arrondie, de couleur sombre, se distingue aisément. De nombreux espagnols sont présents, notamment pour gravir le Vignemale. Nous prenons possession de notre couchage. Dans ce dortoir de 20 m2, nous logeons à douze sur deux étages. La promiscuité et le manque de confort (pas de douches) sont compensés par la bonne humeur, un repas copieux et une nuit réparatrice.
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Carte IGN Scan express; Tracé Sitytrail sur Asus zenphone

Lundi 15 août 2016 : Baysselance – Les Granges d’Holle
Distance 16,0 km ; dénivelé +380 -1503 ; temps 5h

Panne de réveil. A 6h50, branle-bas de combat pour un petit déjeuner prévu à 7h00. La météo nous est favorable, le soleil brille, la température est clémente, les conditions sont idéales pour effectuer la descente vers Gavarnie. Auparavant, je me dirige vers les cuisines pour tenter de récupérer une bouteille d’eau pour remplacer ma poche. Un des gardiens me propose, ni plus, ni moins de me donner une gourde métallique d’une contenance d’un litre. Ce récipient providentiel, sans doute oublié par un randonneur, me permet de retrouver un peu d’autonomie et, apparemment, de soulager le refuge d’un des innombrables objets laissés par des départs précipités.
La descente est pentue jusqu’au névé, encore présent, au lieu-dit le pont de neige. Un torrent longe notre chemin, tombant de cascade en cascade jusqu’ à la zone humide, retenu par un barrage. Sur ce plateau, les vaches et les moutons paissent en toute tranquillité. Nous apercevons notre première marmotte, courant sur une des plages de la petite retenue d’eau. Nous discutons avec des bergers locaux, venus pique-niquer en ce jour férié. Après un moment d’hésitation, nous retrouvons la trace du GR et la petite passerelle qui permet de franchir le torrent en aval du barrage.
Nous évoluons dans un paysage de montagnes à vaches, entouré de parois rocheuses impressionnantes. Non loin de la cabane de Lourdes, nous posons nos sacs auprès d’un ruisseau, pour un déjeuner bien mérité. La journée est encore longue avant d’arriver au refuge. L’estive est couverte de fleurs, iris des Pyrénées (Iris latifolia), campanule (Campanula rotundifolia), carline (Carlina acanthifolia), colchique des Pyrénées (Merendera montana). Nous surplombons le gave d’Ossoue qui coule 200 mètres au-dessous de nous. Près d’un vaste parking pour camping-cars, une vaste longère abrite notre lieu d’hébergement. Nous disposons d’un dortoir pour quatre, de douches et d’un peu de temps pour laver et faire sécher quelques vêtements imprégnés d’une odeur musquée.
Tandis que nos chemises volent au vent, nous profitons de l’ombre d’un cerisier pour savourer une bonne bière, lire ou écrire en attendant l’heure du dîner.

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Carte IGN Scan express ; Tracé Sitytrail sur Asus Zenphone

Mardi 16 août 2015 : Les granges de Holle – Bujaruelo
Distance 15,2 km ; dénivelé +950 -1112 ; temps 6h

Nous quittons le GR10 à une centaine de mètres du refuge en bifurquant vers la droite en direction de Gavarnie-village. L’odeur du pain frais envahit la rue principale. La boulangerie n’est pas loin. Nous achetons une boule de pain au levain pour les prochains pique-niques. Un peu plus loin, nous déposons les sacs devant la supérette. Fromage, fruits et saucisson se répartissent dans les sacs. Nous traversons le bourg en direction du plateau de Bellevue. Nous empruntons une variante du sentier de Saint Jacques de Compostelle. Le sentier grimpe progressivement, offrant une vue panoramique sur le cirque et la cascade de Gavarnie. Nous traversons un vaste plateau qui permet de contempler la chaîne pyrénéenne. L’hélicoptère qui ravitaille le refuge de la Brèche de Roland vient briser la quiétude du lieu. Ses rotations incessantes sont une nuisance que n’a pas intégrée le règlement intérieur du Parc National des Pyrénées. Paradoxalement, nous attendons que, dans les refuges, soit mis à notre disposition un certain confort, servi un bon repas ou une bonne bière. Les capacités d’accueil actuelles ne peuvent plus se satisfaire d’un ravitaillement à dos de mulet.
Le sentier suit un torrent où les adeptes du canyoning s’en donnent à cœur joie. Nous montons progressivement vers le col de Boucharo. Les derniers mètres les plus ardus sont aussi les plus attendus car ils permettent de franchir un obstacle, de découvrir un autre lieu. Celui-ci nous permet de passer la frontière franco-espagnole. Le vent violent nous précipite de l’autre côté. Les montagnes aragonaises sont de toute beauté. Des traînées de couleurs beige, ocre et verte, s’écoulent sur leur flanc. Nous nous abritons dans un petit talweg herbacé pour savourer notre déjeuner.


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La descente se fait au son des cloches des vaches espagnoles qui sont montées à l’estive. Puis nous abordons un secteur de moraines, quand quelques gouttes viennent s’abattre sur nos têtes.
Les vestes de pluie sont tirées des sacs, les sacs sont enveloppés de leur protection dans la perspective d’une forte pluie qui ne vient pas. Un quart d’heure plus tard, notre anticipation a payé car une forte averse nous tombe dessus. Nous regardons où nous posons les pieds car la descente au milieu de gros blocs de pierre est devenue glissante.
Nous franchissons le pont de pierre qui enjambe le rio Ara pour rejoindre l’hôtel-refuge de Bujaruelo. Nous sommes installés dans une chambre pour quatre où nous pouvons prendre nos aises. L’enveloppe corporelle débarrassée des secrétions naturelles dues à l’effort, nous nous retrouvons au bar pour savourer la chope espagnole, rafraîchissante, volumineuse et bon marché. L’orage se met à gronder et des trombes d’eau se mettent à tomber. La discussion porte essentiellement sur les conditions météorologiques et la longueur de l’étape du lendemain. L’ambiance est un peu crispée car l’incertitude d’un temps favorable pour rejoindre Banos de Panticosa fait envisager la possibilité de recourir au taxi. Malgré les prévisions plutôt optimistes apportées par nos voisins de table, durant le repas, nous sentons une certaine anxiété et un mental atteint.

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Carte IGN Scan Express ; Tracé Sitytrail sur Asus Zenphone

Mercredi 17 août 2016 : Bujaruelo –Banos de Panticosa
Distance 22.0 km ; dénivelé +1458 -1194 ; temps 8h30

Dès 6h30, nous patientons devant la porte de la salle du petit déjeuner. Afin de pallier à toute défaillance éventuelle, nous quittons le refuge au lever du jour. Nous remontons la rivière. De nombreux sorbiers des oiseaux bordent ces rives. Puis nous nous écartons de l’onde sauvage pour monter, par un large chemin d’exploitation, vers la vallée encaissée. Nous passons sous des voûtes de pierre, puis des passerelles qui permettent au bétail de monter vers la vallée haute de l’Ara. Le soleil a fait son apparition. La journée semble prometteuse. Dans la vallée où paissent les troupeaux de bovins, la rivière coule paisiblement. Une carcasse, dont il ne reste que la peau et les os, attend le travail du gypaète barbu pour disparaître. Le Vignemale, de ses 3298m, nous domine. Nous passons au pied de sa face sud. Nous suivons les balises rouge et blanche du GR11 jusqu’au moment où nos voisins espagnols de tablée, en pause, s’étonnent de notre itinéraire. En effet, nous avons dévié de notre route, nous effectuons un petit crochet en coupant au plus droit, nous traversons tant bien que mal le torrent et nous retrouvons quelques cairns le long du barranco Batanes. Mais cette bévue et ce marquage aléatoire crispent les esprits. De gros blocs de roches parsèment notre chemin, une zone humide s’étale au pied de l’univers minéral qui nous attend dans la montée vers le col de Brazato.
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 Vue sur le versant sud du Vignemale                                                                          Vers le col de Brazato

Nous profitons d’un petit laquet à l’eau fabuleusement turquoise pour faire la pause méridienne. L’eau est d’une température glaciale et le bain de pieds ne s’éternise pas. De pierres en pierres, nous arrivons au col à 2566m d’altitude. Sur l’autre versant, en contrebas, deux lacs nous font face. Nous les contournons, en traversant un pierrier. Je rencontre un randonneur solitaire à l’accent bien appuyé. En lui demandant d’où il vient, il me répond de New-York, je lui rétorque de Bretagne. En bon américain, il me vante les bienfaits des thermes et de l’hôtellerie quatre étoiles de Panticosa. Nous sommes étonnés de le voir si tard au col. Le confort de la literie, la prodigalité du petit déjeuner, le bienfait des bains à remous l’ont retenu à l’hôtel. Nous nous contenterons du refuge Casa Piedra et de sa rusticité. La descente vers le lac inférieur est assez sportive. Nous devons mettre les mains pour rejoindre le sentier qui contourne le plan d’eau jusqu’au barrage. La descente est longue et pénible. Nous fixons le sol pour savoir où poser les pieds. A l’approche d’une canalisation, nous hésitons un moment avant de trouver une marque de GR défraîchi sur notre gauche. Les premières toitures de Panticosa apparaissent en contrebas. Le sentier en lacets n’en finit plus.
Nous emboîtons le pas d’un pêcheur à la ligne qui nous amène dans le cœur de la cité thermale. Le refuge est à l’écart du centre touristique. Il nous reste une centaine de mètres à parcourir pour rejoindre notre lieu d’hébergement lorsque la pluie se met à tomber. Une fois encore, nous évitons la trempette. Nous ressentons, malgré tout, une certaine fatigue à l’issue de ces 22 kilomètres.
Au cours du repas que nous partageons avec trois jeunes périgourdins, nous leur prodiguons conseils, astuces et recommandations pour leur première randonnée sur plusieurs étapes.

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Jeudi 18 août 2016 : Banos de Panticosa – Refuge de Wallon
Distance 12,9 km ; dénivelé +922 -805 ; temps 5h30

Après avoir remis la Dordogne sur le bon chemin, nous gravissons un canyon où chute un torrent en de multiples cascades. Nous nous aidons des câbles fixés à la paroi rocheuse pour nous hisser le long de la gorge. Nous sommes précédés et suivis par une multitude d’espagnols qui viennent passer la journée au bord du lac de Bachimana. Un replat herbeux permet de faire une première pause bien méritée. Puis nous attaquons une montée en lacets qui mène au bord du lac, près duquel est implanté un magnifique refuge. Une deuxième pause s’impose pour profiter de la beauté du site. Le chemin longe la rive gauche du lac jusqu’à sa tourbière amont. Dans cette partie humide, à l’endroit où le GR se scinde en deux, vers le nord en direction du refuge Wallon, vers l’Ouest pour le refuge de Respumoso, des parterres de fleurs colorent la pelouse rase. Nos deux compagnes filent devant tandis que nous prenons le temps d’une séance photo. Le sentier surplombe le lac et ses îlots. La vue sur la vallée est grandiose.

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A l’approche du port de Marcadau, le vent devient de plus en plus violent. Quelques névés résistent encore aux rayons du soleil. La montée vers le col est sans difficulté aucune. Le dénivelé est progressif. Sur la crête, nous sommes obligés de nous abriter des rafales tempétueuses. Nous restons juste le temps nécessaire pour profiter des deux versants avant de basculer côté français dans un univers quasi minéral. Nous progressons au milieu de champs de pierre. Puis le pla de Loubosso surgit sous nos pieds. Une vaste étendue herbeuse où coule paisiblement le ruisseau du Marcadau. Au loin, les nuages ont envahi la vallée du Marcadau, laissant apparaître le haut du massif de Gaube. Le refuge de Wallon se distingue, minuscule tas de pierres, au pied du turon de la Croutz. Il nous reste encore une centaine de mètres de descente à effectuer avant de retrouver une partie plane. A l’approche du refuge, de nombreux marcheurs sont étendus au bord du ruisseau, profitant de cette douce chaleur, du bruissement de l’eau et d’un panorama époustouflant. Le refuge est immense, nous avions l’appréhension de cet hébergement, et nous sommes fort surpris d’occuper un dortoir de quatre places, certes fort exiguë et décrépi, mais qui nous permet de prendre nos aises. La rusticité est de rigueur, le refuge ne dispose pas de douches mais de lavabos qui font très bien l’affaire. Le repas sera savoureux et abondant. Par contre la nuit sera agitée car les toilettes de l’étage contigües à notre dortoir nous procureront une ambiance sonore des plus détestables.

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Vendredi 19 août 2016 : Refuge Wallon – Pont d’Espagne
Distance 8,9 km ; dénivelé +142 -525 ; temps 2h30

Dernière étape de notre boucle autour du Vignemale. Nous avions la possibilité de rejoindre notre point de départ selon deux options, la directe, celle que nous avons choisie, ou bien par les lacs de Nère, du Pourtet et de l’Embarras. La descente vers le Pont d’Espagne suit le gave de Marcadau.
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Coucher de soleil au refuge de Wallon                                                                       Le gave du Marcadau

Nous passons rapidement dans une zone boisée par de grands résineux. Nous sentons la fin du périple. Les marcheurs sont de plus en plus nombreux à contre-sens. Puis nous arrivons dans la partie touristique, bordée de garde-corps le long du gave qui tombe en cascade.

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Carte IGN Scan express ; Tracé Sitytrail sur Asus Zenphone

Mais nous avons dans la tête toutes les images de ces étapes si variées, si belles, si authentiques.
Un tour du Vignemale dont on se souviendra longtemps.